Rotterdam, entre "cicatrices" de l'histoire et modernité urbaine, 2e jour

Un centre-ville marqué par les "blessures" du passé mais tourné vers l'avenir

Pour cette deuxième journée à Rotterdam, on entreprend la visite des parties Est et surtout Sud du centre-ville, aux abords de la Nouvelle Meuse et du nouveau quartier phare Kop Van Zuid.

Rotterdam Info, centre d'information original pour promouvoir Rotterdam auprès de ses habitants et visiteurs

On se rends tout d'abord au centre d’information Rotterdam Info, géré par l'office du Tourisme de Rotterdam. Sur la façade de l'édifice, on peut aisément lire la signature « Rotterdam World Port World City ». Cette dernière a été élaborée par le service de city branding de la municipalité, en vue d'en faire la marque de promotion partagée par tous les acteurs de la ville.

Situé en plein de cœur de la ville, au bout de l'avenue principale Coolsingel, ce centre original ressemble à un espace typique des grands salons immobiliers, qu'on destine généralement à la séduction d'investisseurs potentiels. En réalité, le centre est dédié au grand public, leur mettant à disposition une palette complète d’outils pédagogiques tels qu'une grande maquette intéractive du centre ville, des kakémonos, ouvrages, dépliants, pour informer, sensibiliser les habitants ou visiteurs aux enjeux urbains de la ville. 

L’effort de communication de la municipalité auprès des habitants, est perceptible à l'instar également des nombreuses affiches qu'on trouve en centre-ville sur la politique climatique locale, fortement médiatisée, la «Rotterdam Climate Initiative ».

Une construction identitaire marquée par le "traumatisme"de la Seconde Guerre Mondiale

Au centre d’information, deux grandes photos retiennent particulièrement mon attention. Elles montrent le centre historique de Rotterdam tel qu'il était avant les bombardements allemands, en 1932, et quelques années après, en 1946.

Ces deux clichés illustrent avec effroi l'ampleur des destructions générées par ces bombardements, qui avaient coûté la vie à plus de 800 personnes et délogé plus de 80 000. Ils démontrent à quel point la vielle ville fut rasée. Ce jour-là, des quartiers anciens, à l’architecture traditionnelle médiévale ou néoclassique, caractéristique de l’héritage identitaire de Rotterdam, furent réduits en cendre. Mes premières impressions de la veille se confirment ; Rotterdam porte en elle un véritable « traumatisme », transparaîssant dans l’environnement urbain, lié à cette période sombre de son histoire. 

Aprés la visite du centre d'information, on rejoint la grande avenue « bétonnée » piétonne et commerçante de Hoogstraat. Un peu plus loin, on atteint l’un des lieux les plus symboliques de la ville, la cathédrale de Saint-Laurenskerk, l'un des derniers vestiges du vieux Rotterdam. A notre grande déception, le monument est en rénovation, bardée d'installations diverses, accentuant de plus bel le sentiment de découvrir une ville dont le patrimoine urbain authentique des siècles passés est comme invisible.

Le recours à l'audace architecturale comme pour faire table-rase du passé

En traversant la grande artère Binnenrotte, rejoignant le fleuve, je découvre l'emblématique quartier Blaak où se trouvent la Central Bibilotek (bibliothèque centrale) dont l'aspect rappelle le centre Pompidou de Paris, et Kijk Kubus, les fameuses maisons cubes inclinées. Je dresse à nouveau le même constat ; le patrimoine urbain et architectural est principalement issu de la période de reconstruction de l'Après-Guerre, lorsque les principes de l’architecture moderniste et de l’urbanisme fonctionnaliste représentaient la norme.

Les maisons cubiques et surélevées de Kijk Kubus, construites pendant les années 1980 par l’architecte hollandais Piet Blom, constituent un exemple caractéristique du parti-pris architectural adopté.

La dynamique de reconstruction a transformé la ville en un véritable laboratoire de l’architecture contemporaine, dont le résultat visuel laisse le visiteur quelque peu dubitatif. La recherche de créativité et d'originalité dans les formes urbaines répond certainement à une volonté de générer un effet architectural « futuriste ». Néanmoins l'effet désiré ne se traduit pas par un impact paysager plaisant et attrayant. Les couleurs et les matériaux adoptés génèrent au contraire une sensation visuelle assez inhospitalière de l’espace bâti.

En poursuivant son chemin, on tombe enfin sur le vieux port de Rotterdam, où dorment sur les quais de vielles péniches et bateaux de plaisance d'un autre temps. Le vieux port ressemble davantage à une petite enclave muséifiée, pour le "folklore" et le tourisme, plutôt qu’à un véritable quartier dont l'identité eut été préservée.

Photo prise sur le vieux port de Rotterdam

Exploration du Sud de Rotterdam, découverte de Kop Van Zuid

Plusieurs voies de franchissement de la Nouvelle Meuse permettent de rejoindre le Sud de Rotterdam, dont la principale est le Pont Erasme, surnommé le cygne. Somptueux ouvrage d'art construit en 1996 pour un coût de 75 million d'euros, ce pont à hauban symbolise le renouveau de Rotterdam, le rapprochement entre ses parties Nord et Sud, et constitue l'un des éléments visuels distinctifs de la ville. C'est à partir de ce pont que l'on peut directement rejoindre le nouveau quartier Kop Van Zuid.

Kop Van Zuid, la nouvelle "vitrine" de Rotterdam

L’aspect visuel du quartier Kop Van Zuid, situé dans une étroite presqu’île parsemée de grattes ciels, m'apparait particulièrement moderne. La tour Maastoren (165m) achevée en 2009, immense bâtiment en verre abritant les bureaux de la compagnie Deloitte, trône en maître dans cette zone en voie de revitalisation. On retouve certaines caractéristiques urbaines rappelant les villes nord-américaines, tels que les larges et longues voies de circulation réservées à la voiture, avec en plus une voie pour les cyclistes, mais surtout la physionomie "downtown" à travers les grands immeubles de bureaux composant une véritable skyline au bord du fleuve.

Kop Von Zuid symbolise la reconquête des friches industrialo-portuaires du Sud de Rotterdam, et leur reconversion en un quartier "trait-d'union", moderne, dynamique et multifonctionnel, comprenant bureaux, logements, restaurants, hôtels, équipements culturels. La réussite du projet urbain semble prendre corps, bien qu'il soit encore tôt pour en juger. Les chantiers se poursuivent et les rues manquent encore d’animation. Pourtant, certains équipement s'ancrent déjà dans le paysage local, tels que le grand théâtre Luxor, restauré à la fin des années 1990 à l’architecture futuriste, considéré comme l’un des plus beau des Pays-Bas, ou la tour Montevideo (139.5 m), l'une des plus hautes tours de logement du pays.

Photo prise au niveau de la nouvelle Meuse, on peut aperçoit la skyline de Kop Van Zuid

Au niveau de la pointe de la presqu’île de Kop Van Zuid, se trouve niché entre les tours, le mémorable et reconnaissable Hotel New York, édifice de la fin du XIXe siècle, ancien QG de la compagnie maritime Holland America Line. De là, un superbe panorama s’offre à nous donnant sur la Nouvelle Meuse, profilant à l’horizon les installations du plus grand port d’Europe. Sans conteste, la skyline de Rotterdam laisse une impression marquante au promeneur.

Photo des immeubles modernes de la presqu'île Kop Van Zuid, avec le pont Erasmus en arrière-plan.

Kop Van Zuid symbolise l'image résolument moderne d’une ville souhaitant faire contrepied à son histoire tourmentée, marquée par les destructions de la Seconde Guerre Mondiale, et qui poursuit avec ambition son expansion le long des rives du fleuve.

Le pavillon flottant, une curiosité urbaine "made in" Rotterdam

En revenant sur mes pas, et en me rapprochant du quartier Rijnaven, je découvre un étonnant édifice sur l’eau, le pavillon flottant constitué de trois demi-sphères flottantes reliées entre elles. Les façades sphériques sont transparentes et donnent au bâtiment un caractère futuriste.

Le quartier de Rijnaven, avec en premier plan le pavillon flottant.

Le pavillon, inauguré en 2010, construit en l’espace d’à peine un an, est un projet pilote, une "vitrine" devant symboliser la démarche pionnière de Rotterdam dans la conception d’un habitat flottant, écologique et adapté au changement climatique. Le pavillon est utilisé comme centre d'exposition et d'expertise notamment sur les thématiques d'énergie, d'eau et de changement climatique. L'ouvrage ne possède pas encore le statut d'icône pour la ville, mais pourrait bien le devenir avec le temps. Son emplacement, au bord de l'eau, au milieu d'une grappe de tours, a vocation à être temporaire car le pavillion pourrait être relocalisé d’ici à 2015.

Photo des sphères du pavillon flottant

Mixité sociale et ethnique dans le paysage urbain

Rarement au cours de l'exploration a-t-on perçu la présence de ruptures socio-spatiales prononcées ou gênantes. Bien que notre exploration n’ait concerné que des parties relativement proches du centre, comme la zone de Rijnhaven, il faut reconnaître globalement le caractère perptible d'une certaine mixité sociale et ethnique presque au sein de chaque quartier. Bien souvent, au cours de la visite de Katendrecht et Kop Von Zuid, on croit tomber sur un quartier dégradé et en difficulté, quand ne sont concernés en réalité qu'un block ou une rue.

Photo prise aux abords du parc Kaapark, à Katendrecht

Le quartier résidentiel de Katendrecht conjugue harmonieusement mixité sociale et qualité architecturale. Son développement s'est fait récemment sur une presqu’île jouxtant celle de Kop Van Zuid, et tire considérablement partie de son emplacement au bord de l’eau. Le parc Kaappark, situé dans la zone, apaise l'environnement urbain. A proximité, le SS Rotterdam, ancien paquebot transatlantique devenu véritable attraction touristique d'agrément et d'affaires, valorise l’image du site, tout en attirant le regard des promeneurs curieux. Difficile de croire que dans cette zone se trouvait le plus grand quartier chinois d'Europe, quartier ouvrier dont la réputation était connue comme sulfureuse.

Photo illustrant la diversité des formes architecturales à Katendrecht