Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Voyage au coeur de la multiculturelle et populaire Rotterdam

6 Janvier 2013, 14:42pm

Publié par citybrandexplorer.over-blog.com

Après les abords de la Nouvelle Meuse et des presqu'îles urbaines en redéveloppement de Katendrecht et Kop Van Zuid (voir article précédent), nous nous lançons aujourd’hui dans l'exploration de certaines zones caractéristiques du centre de Rotterdam, souvent qualifiées de «populaires», comme Noorde au Nord, mais également Feyenoord ou Charlois au Sud. Ces quartiers font partie des 14 soous-divisions de la municipalité de Rotterdam. Nous ne fûmes pas déçu de cet itinéraire.

Nous avons privilégié lors de cette journée, un mode de déplacement alternatif à la marche, plus rapide, pratique et tout aussi propre, le vélo. Rotterdam, à l'instar d’autres villes de Hollande, accorde une place particulière au vélo, véritable trait identitaire. Les voies cyclables sont non seulement nombreuses mais également particulièrement visibles. Il est certes difficile de comparer le réseau cyclable de Rotterdam avec celui d’une ville déjà visitée comme Malmö en Suède (voir l'article). Mais indéniablement, la voirie cyclable est clairement délimitée, suffisamment large et accompagnée d’une signalisation adaptée. Se déplacer à vélo nous a permis d'appréhender Rotterdam autrement, de se faire une idée plus sensible de la qualité de son réseau cyclable, et d'adopter l’un des modes de déplacement les plus prisés par les habitants de la ville. De surcroît, par un climat doux et agréable, la ville se présente à son avantage.

Rotterdam-Noorde, un visage apaisé de Rotterdam

La partie Nord, appelée Noorde (environ 50 000 habitants), au delà de Central Station, est composée d’un tissu majoritairement résidentiel composé d'un habitat d'une hauteur moyenne, de trois à quatre étages, datant de la première moitié du XXième siècle. Le revêtement de façade des édifices est majoritairement constitué de briques rouges foncées, typique d'un ancien tissu ouvrier.

 IMG_1509.JPG

Le quartier 'populaire' de Noord, présente un environnement urbain apaisé.

Les parcs et espaces verts sont bien visibles, comme à Blijdorp ou Kralingse Plas, mais aussi les canaux irriguant la ville de toute part. De nombreuses maisons flottantes orientées le long des canaux ajoutent à l'atmosphère apaisée de l'environnement urbain. En remontant Stadhoudersweg, on atteint la jonction avec une autre artère importante, Schieweg, puis Rodenrijselan.

IMG 1486

Maisons flottantes dans le district de Noord.

Oude Noorden, quartier vibrant et poumon historique de Rotterdam

On se trouve maintenant au cœur d'Oude Noorden (littéralement le Vieux Nord), au sein duquel on décide de s'enfoncer. La population est ethniquement diverse, les rues sont grouillantes et une atmosphère conviviale est perceptible. La grande rue commerçante Zwart Jan Straat, avec ses immeubles à deux étages, alignées en filet de sardine, et occupés en leur pied par des commerces orientaux, paraît particulièrement animée en cette matinée. Oude Noorden est emblématique d'un quartier coloré, cosmopolite, « populaire » et vibrant.

Untitled-copie-21

Photo de la rue commerçante Zwart Jan Straat dans le quartier de Ode Noorden.

Une population arabe est fortement présente localement, mais pas uniquement. Au côté des autochtones hollandais, une diversité d'origines signale sa présence : Surinam, Antilles, Maroc, Turquie etc. Curieusement cette partie de la ville dont l’habitat semble dater du début du XXème siècle, présente une urbanité plus agréable et chaleureuse qu'en centre ville. Néanmoins, on note la plus grande difficulté à se déplacer en vélo ; les tracés cyclables longent surtout les voix de circulation les plus fréquentées. A plusieurs reprises, on est amené à emprunter certaines voies formellement interdites aux deux roues.

IMG_1507.JPG

Habitat colorée dans une rue d'Oude Norden près de l'hypercentre.

En remontant vers l'hyper-centre, j’empreinte l'avenue Weena et me dirige vers l’un des centres névralgiques de la ville, la gare centrale, autour de laquelle se concentrent de nombreux grattes ciel. Je me dirige vers Blaak, le quartier "historique » de la ville et découvre la grande artère piétonne et commerçante de Linjbaan. En ce samedi ensoleillé, la population de Rotterdam afflue en masse pour se divertir, se restaurer, faire son shopping. Traverser Linjbaan est une expérience particulière. Totalement reconstruite après la guerre selon l’architecture moderniste, Linjbaan est constituée d'un alignement homogène de galeries marchandes où le béton est omniprésent. Quant à la qualité architecturale et esthétique de ce quartier, on laissera chacun se faire son propre jugement

 

Untitled-copie-20.png

Linjbaan, exemple emblématique d'une artère piétonne commerciale conçue pendant l'Aprés Guerre.

D’un point de vue purement fonctionnel, Linjbaan respecte la norme ; Son espace est exclusivement occupé par du commerce en majorité de type grandes enseignes. L'avenue est entièrement piétonnisée, l’accès motorisé ou même à vélo, est proscrit. Mais sur le plan esthétique, l’absence chronique d’espace vert et la présence envahissante d'un environnement bétonné, provoquent une sensation relativement inconfortable.

IMG_1527.JPG

Photo de l'avenue piétonne Linjbaan 

On traverse le quartier Binnenrotte par l’avenue piétonne. On y découvre le marché central de la ville, très animé et grouillant de monde à cette heure-ci. A cet emplacement, plus de trois ans plus tard, serait édifié une monumentale structure habitée faisant office d'immense verrière recouvrant le marché, et rappelant, sous une version hypermoderne, l'emblématique Galleria Vittorio Emanuele II de Milan.

Mais à nouveau, l'esthétique du tissu urbain se fait ressentir, oppressante, rebutante. Difficile de ne pas avoir à l’esprit l’aspect que ce quartier, poumon historique de la ville, devait avoir avant les bombardements de 1940. Sur une pancarte, plantée au milieu d'un terrain vacant, lui-même coincé entre les tours, on peut lire l'inscription « Here Begint Rotterdam » (ici commença l’histoire de Rotterdam ). Tout un symbole.

IMG_1632.JPG

Le centre historique de Rotterdam, avec St.Lawrence Church. Photo prise depuis la bibliothèque municipale.

On se rend à présent au Sud de Rotterdam, vers les quartiers dits « populaires » de Charlois et Feijenoord (à ne pas confondre avec le club de football Feyenoord dont le fief se situe dans un autre quartier de la ville). On parcourt Maashaven Ootzidge, passant par la station Rinjshaven, puis on s’engage vers Beijerlandselan. On avait été frappé jusqu'à présent par la mixité observable à l'échelle de toute la ville. On s'enfonçant plus au Sud de la Meuse, le tissu urbain se modifie, notamment au niveau de Feijenoord. Ce quartier densément peuplé, avec plus de 70 000 habitants, est marqué par son héritage centré autour des ateliers navals, au XIXe siècle.

IMG_1556.JPG

Photo d'un ensemble d'habitations dégradées dans le district sensible de Feijenoord, au Sud de la Nouvelle Meuse.

Feijenoord et Charlois, deux quartiers d'héritage ouvrier, aux caractères distincts

On doit admettre qu'en atteignant Feijenoord, plus homogène sur le plan ethnique et social, on note les caractéristiques de quartiers communautarisées. Les minorités d'origine étrangère y sont particulièrement visibles, le tissu urbain, composé en partie d'ensemble de logements sociaux de faible hauteur, est relativement dégradé et peu hospitalier. On ne ressent pas pour autant l’insécurité partout, certainement en raison de l'animation des rues, de la mixité intergénérationnelle et ethnique qui, d'une certaine mainière, rassurent. On ne fait pas non plus l'expérience du sentiment gênant de relégation spatiale, qui n'est matérialisé par aucune véritable obstacle urbain. 

Même constat à Charlois, mais de manière beaucoup plus nuancée. Charlois présente une cohérence urbaine, liée à son statut d'ancien village, puis de municipalité séparée de Rotterdam, jusqu'à son annexion en 1895. Avec ses 64 000 habitants, il présente l'apparence d'un quartier résidentiel ethniquement mixite, où coexistent sans tensions diverses communautés. Les divisions socio-spatiales ne concernent souvent qu'une rue ou qu'un bloc d’immeuble, constat qui avait été également fait le deuxième jour à Katendrecht (voir l'article).

 

IMG_1564.JPG

Photo prise dans le district populaire de Charloi au Sud

L’habitat, caractérisé à nouveau par les revêtements en brique rouge, rappelle certains quartiers résidentiels au style victorien, caractéristiques des centres urbains de l’Est étasunien comme Boston. Rotterdam constituait le port de départ de nombreux pionniers qui partirent peupler le continent nord-américain. L’habitat de Charlois est relativement homogène, peu dégradé, et de qualité esthétique variable. Ici, pas de présence d'un habitat de type grands ensembles comme à Malmö (voir l'article), pas de ruptures brutales entre ilots d'habitation et le reste du tissu urbain. Depuis Charlois, les tours ultra-modernes de Kop Van Zuid qu'on aperçoit, symboles d'un renouveau urbain, ne provoquent pas la sensation visuelle d'une rupture socio-spatiale.

IMG_1553.JPG

Photo prise dans un quartier résidentiel de Charlois.

Le Sud de Rotterdam présente indéniablement certaines poches de précarité sociale et fortement communautaires. Néanmoins ces disparités sociales ne sont pas accentuées par des fractures urbanistiques et architecturales, ni accompagnées de divisions intergénérationnelles et ethniques perceptibles. La logique spacio-communautaire bien réelle, est limitée par l’intégration systématique de chaque ilot, bloc ou quartier, au reste du tissu urbain.

IMG_1563.JPG

Une rue résidentielle à Charlois, les canaux contribuent à la valorisation du site.

Cette intégration se manifeste par la présence d’éléments urbains valorisant : une bonne accessibilité grâce au réseau cyclable et métro étendu, la valorisation esthétique générée par les canaux irriguant les quartiers, la qualité apparente et relative de l’habitat et la tendance au brassage ethnique.

Commenter cet article